Comment vous est venue l’idée de produire des plaids en alpaga made in France?
A la création de l’entreprise il y a quatre ans, notre objectif était de proposer un produit 100% made in France. Nous cherchions une maille très raffinée, un toucher lisse et très doux. Nous avons prototypé des laines Mérinos françaises mais malheureusement aucune ne nous offraient l’expérience que l’on souhaitait. Nous avons aussi dû renoncer au cachemire car nous n’avons pas trouvé de filature capable de nous donner une traçabilité totale sur son sourcing. Nous nous sommes donc tournés vers l’alpaga dont la fibre est aussi douce et de grande qualité. A l’époque aucune filière n’existait, nous avons donc fait le choix de travailler avec une filature (certifiée GOTS) au Pérou, le pays d’origine de la laine d’Alpaga.
En quoi l’alpaga constitue-t-il une matière intéressante ?
Elle compte 22 teintes naturelles différentes identifiées dans la race. C’est aussi une fibre naturelle, hypoallergénique, thermorégulatrice, 7 fois plus chaude qu’une laine de mouton et très résistante dans la durée. Avec sa qualité de moelleux et de volumes fabuleux, elle est très agréable au porté et n’a rien à envier au cachemire.
Pouvez-vous nous expliquer votre filière ?
Notre filière française a commencé il y a deux ans, avec la rencontre d’une éleveuse d’alpagas en Mayenne. Notre laine vient de chez elle. Un deuxième élevage est ensuite venu s’installer tout près de nos bureaux à La Flèche et nous a contacté. Cette deuxième rencontre nous a permis d’identifier les besoins, contraintes et opportunités. Nous lancions ainsi un groupe de travail pour mener ce projet de création de filière. Les fibres de laine sont donc issues de ces deux élevages.
Nous faisons filer les toisons par une jeune micro-filature bretonne. Elle est équipée de machines industrielles en version mini, ce qui lui permet de filer de toutes petites quantités de laine, sans avoir à mélanger les toisons. A la sortie, chaque cône de fil correspond donc à la laine d’un seul alpaga, avec sa qualité de fibre intrinsèque et sa couleur unique. Il porte une étiquette qui indique le nom de l’animal, le poids de laine et la longueur de fil correspondant. L’idéal pour nous qui voulions fabriquer un plaid avec la laine d’un seul et même alpaga. Cela nous permet aussi de calibrer le format de chaque produit tricoté, et de n’avoir aucune perte de matière.
Nous ne teignons pas le fil, il ne subit aucune intervention chimique, il est lavé au savon naturel. Le tricotage se fait sur machine en Mayenne. Puis les produits sont emballés dans un coffret éco-conçu (en carton doublé de tissus). Nous allons d’ailleurs bientôt remplacer les papiers de soie par de la ouate de cellulose faite aussi dans la région et 100 % compostable. Comme nos plaids.
Il y a moins de 300 km entre les élevages, la filature, le tricotage et l’emballage. Nous n’avons pas de certification, cependant notre processus de fabrication est respectueux de l’animal et de l’environnement, pas de certification EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) alors que nous faisons un métier ancestral, pas de certification OFG (Origine France Garantie). Cette demande est en cours auprès des organismes certificateurs. Mais nous travaillons en totale transparence et traçabilité. Chaque plaid est brodé du nom de son animal et les acheteurs ont la possibilité de visiter les élevages.
Quel est l’impact environnemental du Plaid Merveilleux ?
Nous ne l’avons pas encore calculé. Ce serait intéressant de faire l’exercice.
Vos plaids sont-ils conçus différemment pour durer ?
La longueur des fibres et leur grande qualité font qu’elles offrent naturellement une grande résistance. Mais surtout nous remaillons la dernière bordure des plaids à la main, de façon à donner au fil une souplesse suffisante pour qu’il ne casse pas. Car c’est souvent à cet endroit-là qu’une fragilité peut apparaitre. Puis nous procédons à trois contrôles successifs pour vérifier qu’aucune maille n’a filé et que les produits n’ont aucun défaut. Enfin nous indiquons à la fois sur notre site et l’étiquette comment bien entretenir son plaid.
Quelles sont les limites techniques ?
Il nous a fallu du temps pour installer une relation de confiance très solide avec les éleveurs et avancer dans ce projet de filière française. Il nous fallait aussi trouver une micro-filature capable de nous délivrer un fil tel que nous l’avions défini. L’étape de la filature est sans doute la plus délicate. Car cette matière est très volatile, très aérienne, très compliquée à fixer, car très sensible à l’humidité de l’air et à la charge électrostatique. Donc à la météo. Ajouter à cela que chaque lot de fibres présente une qualité bien spécifique et qu’il faut donc procéder à de nouveaux réglages à chaque nouveau cône, de façon à ce qu’ils aient à peu près tous la même épaisseur. Nous ferons le point au bout d’un an pour voir comment optimiser le processus.
Comment est accueilli le produit par les consommateurs ?
Très bien. Les clients sont réceptifs à la démarche et ne remettent absolument pas en question le prix. Le concept d’inverser la demande, c’est-à-dire d’annoncer « vous choisissez votre animal et vous recevez le plaid issu de sa fibre », transforme complètement l’acte d’achat. Il devient réfléchi en amont, raisonné. Avec la précommande, nous imposons le temps comme facteur de production. Les clients doivent patienter 5 à 6 semaines, comprendre que fabriquer un plaid de luxe prend du temps, que travailler avec des animaux dans des conditions respectueuses prend du temps. Les deux élevages d’alpagas avec lesquels nous collaborons comptent 120 animaux à eux deux. A raison d’une seule tonte par an, nous devrions proposer une centaine de pièces chaque année. Nos clients achètent plus qu’un plaid, ils achètent une histoire. Nous proposons quelque chose d’unique.
Quelle est votre prochaine étape ?
Nous cherchons à avoir une production 100% française sur toutes nos collections, y compris sur celles en laine de Mérinos. A tout relocaliser au maximum en remplaçant peu à peu tous nos fournisseurs étrangers par des fournisseurs français.
Merci à Charlotte Huyghues Despointes , fondatrice de La Maison de la Maille.