Se réunir pour réussir

La troisième édition du Refashion Day s'est tenue hier, mardi 10 octobre, et s'est poursuivie avec la remise des prix des lauréats du Challenge Innovation 2023. Voici ce qu'il faut retenir de cette journée en 5 minutes top chrono ! 

 

Et si, dans une France où 260 000 tonnes de déchets ont été collectées en 2022, la créativité supplantait la fatalité ? Et si le tableau d’un futur tangible, désirable, quittait la sphère du rêve pour rejoindre la réalité ? Et si, comme l’a imaginé Roland Lescure, ministre délégué chargé de l’Industrie, en introduction du Refashion Day, la circularité était à la mode ? 

Animée par un véritable souffle collectif, la filière textile et chaussures recouvre aujourd’hui sa capacité à s’étonner. Elle pose un regard bienveillant et réparateur sur des savoir-faire et des ressources malmenés par une économie de la croissance à tout prix. Mieux, elle se reconnecte à une histoire économique et sociale. Acteurs de la production, de la consommation ou de la régénération, comment œuvrent-ils, main dans la main, à l’écriture d’un récit nouveau ?

 

1. Réenchanter la société de consommation 

Palpable aujourd’hui dans les sciences humaines, dans l’art, l’artisanat, la volonté de ré-enchanter le monde s’étend à la Filière Textiles et Chaussures. Face aux enjeux auxquels nous sommes confronté.e.s,, l'urgence est à la coopération, faire un pas de côté sur les motivations individuelles pour laisser place à au bien commun. La question de la motivation est centrale : comment inciter non seulement les marques, mais aussi le plus grand nombre, à changer de comportement ? Pour les entreprises, il s’agit de déplacer la motivation d’une recherche de profit vers une recherche de sens. A la clef : de l'apaisement mais aussi de la joie, car si la résilience est synonyme de "faire moins", elle l'est aussi de "faire mieux" et de la dimension créative qui en résulteThéoricien de l’innovation frugale, le consultant et essayiste Navi Radjou (auteur de L’Innovation Jugaad, éd. Diateino) envisage la résilience au prisme de la créativité, et non de la fatalité. « Certes, il faut savoir faire moins, mais il faut aussi savoir faire mieux : chercher plus de confort, plus de durabilité. » 

Le besoin de modèles, de leaders, est presque impérieux, et le développement de nouvelles normes sociales passe évidemment par l’éducation des personnes influentes. Par qui mais surtout pour qui « croire au merveilleux », comme le racontait Christophe Ono-dit-Biot dans son roman qui reprend l’expression ci-dessus. L’éducation des jeunes générations constitue l’un des enjeux majeurs du réenchantement de la filière textile et chaussures : « Tout part de la petite enfance », analyse Victoire Satto, fondatrice de The Good Goods. « Qu’est-ce qu’on raconte à ses enfants, comment raconte-t-on la circularité, la réparation ? » À tous de s’atteler à l’écriture et à la diffusion de ce récit enchanté. 

#Le mot

EDUTAINMENT. À la croisée de l’éducation et de l’entertainment« Avoir de bons comportements, ça peut être fun, ça peut être sympa », affirme Sandra Baldini, directrice du pôle Consommation de Refashion. L’edutainment constitue la pierre angulaire de la web-série Mission Refashion.

#La bonne idée

L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE. Tout dépend du prisme choisi : positif ou négatif. L’intelligence artificielle, souvent perçue comme un juge assez neutre, peut jouer le rôle de facilitateur. Les outils d’intelligence artificielle pourraient, par exemple, servir des entreprises nouvelle génération qui responsabiliseraient le consommateur.

 

2. Bâtir une économie de la régénération

Il en faut peu pour être heureux... Le vieil adage prend tout son sens sur le chemin vers la transition écologique. Vêtements, accessoires… Tout une mythologie de la mode s’est construite sur une dualité entre l’envie et le besoin. Or, dans un monde au budget carbone limité, alors que la population de la planète atteindra les 11 milliards d’habitants à la fin du siècle, les envies de certains seront au détriment des besoins vitaux d’autres. « Il faut recycler mais il ne faut pas compter uniquement là-dessus », commente Cédric Rigenbach, président fondateur de la Fresque du climat, CEO de Blue Choice, ex-directeur de The Shift Project. « En tant que citoyens, on sait aussi qu’il va falloir réduire. » Réduire la consommation d’énergie, réduire la consommation de vêtements, mais aussi réduire leur obsolescence psychologique… 

L’apologie du vêtement neuf est aujourd’hui contrecarrée par une poésie du vêtement qui a vécu : « Il prend une valeur supplémentaire à partir du moment où l’on fait l’effort de trouver une solution pour pouvoir continuer à le porter », raconte Isabelle Cabrita, fondatrice de Good Gang Paris. « Pour donner sa chance à un vêtement, il faut accepter que la réparation se voie. » L’empreinte de la main transmet un message, elle raconte aussi des histoires de vie. L’économie de la régénération se construit sur une volonté de réparation véhiculée par les consommateurs, portée par les artisans. Et ici encore, la jeune génération joue un rôle majeur. 

Dans les Écoles de la transition écologique (ETRE), tous les métiers manuels dévalorisés depuis une soixante d’années sont réhabilités. Pour le fondateur et directeur Frédérick Mathis, « les métiers de demain seront des métiers de la main. Quelque chose se joue autour de la quête de sens par la jeunesse aujourd’hui. » Mais cette transition est-elle viable économiquement ? Eram, Bompard... La réindustrialisation d’ateliers de réparation ou le développement de la seconde main cristallisent une inflexion nouvelle. « Sexy » pour les consommateurs, la régénération l’est aussi pour les acteurs de la filière textile et chaussures, qui rencontrent ainsi une cible nouvelle, repensent leur branding et leurs canaux d’acquisition.

#Le mot clé 

REDUIRE. La consommation d'énergie, réduire la consommation de vêtements mais aussi réduire leur obsolescence psychologique. En opposition avec le modèle consumériste, c'est celui de la frugalité incarné par la gestion prudente des ressources et la réparation, visible ou invisible, de nos vêtements qui doit prôner. Dans ce contexte, la revalorisation du métier artisanal est essentielle pour favoriser la transition vers une ré-industrialisation d'ateliers de réparation qui sera économiquement viable. 

#L'équation de Kaya 

Comment faire baisser la production de CO2 ? L’équation de Kaya, adaptée à la filière textile et chaussures, met des solutions et des leviers d’action sur des inconnues : énergies renouvelables, baisse de la consommation d’énergie et baisse du produit intérieur brut.

#La bonne idée

VISIBLE MENDING, ou « réparation visible » en français. Cette technique constitue une approche ludique de la régénération. Pour Isabelle Cabrita, Good Gang Paris, « il y a longtemps eu une stigmatisation de la réparation parce que ça se voit, ça fait “pauvre’’. Les gens ont peur de porter des vêtements réparés parce que ça les déclasse. » La réparation visible compte aujourd’hui parmi les formes de craftivism, l’activisme par l’artisanat.

 

3. Utiliser les ressources existantes pour mieux produire

Tracer une ligne entre le passé, le présent et l'avenir... Pour mieux imaginer demain, un réancrage de l’écosystème dans le temps long et le flux de l’histoire est capital. Les trois dimensions du temps s’interpénètrent : les savoir-faire ancestraux dialoguent avec l’innovation, les ressources existantes sont repérées, réparées voire sauvées. « Il faut savoir reconnaître le passé et les ressources qu’on a en soi. » Ce passé, ces ressources, ce sont, pour Jérémy Gobé, artiste plasticien, fondateur de Corail Artefact, la dentelle du Puy-en-Velay et le tissu corallien. Le plasticien a ainsi imaginé un support en coton capable de stimuler la régénération des coraux. 

Ce passé, ces ressources, ce sont aussi le savoir-faire français de la chaussure et l’offre de matériaux disponibles localement. En créant la marque Sessile, La Manufacture 49, pilotée par Jean-Olivier Michaux, directeur général, réfléchit à la durée de vie de nos souliers : « Au bout d’un certain temps d’utilisation, on récupère les paires, on les répare et on les renvoie. On divise quasiment par deux l’empreinte carbone. » Régénéré, réparé, l’objet peut aussi se transformer, changer d’identité et donner naissance à de nouveaux matériaux. 

La revalorisation des déchets croise ces différentes problématiques : « L’idée, avec le recyclage, c’est de créer de la valeur », déclare Véronique Allaire Spitzer, directrice du pôle Régénération de Refashion« Comment imaginer, composer, trouver les solutions pour avoir de nouveaux matériaux ? Quand un T-shirt en coton va être recyclé, ça ne va pas être du coton, ça va être un nouveau matériau avec un impact environnemental meilleur que la matière vierge. » 

De nouveaux matériaux peuvent aussi sortir de notre sommeil, rêves auxquels les étudiants du Design Fiction Studio, cofondé par Adrien Rivierre, s’attachent à donner une réalité : « On pousse les étudiants, les entreprises, à se projeter dans un futur où l’on ne prend pas la piste verte du high-tech… mais une piste de la lenteur, du low-tech. »

#Le chiffre

60 %. Comme le pourcentage de cotons usagés (TLC) utilisés dans la fabrication de cotons recyclés par Okaïdi (Didier Souflet, directeur industriel, membre du directoire, IDKIDS) pour un modèle de T-shirt. La marque a financé, avec le Centre européen des textiles innovants (CETI), un démonstrateur industriel pour tester l’ensemble des étapes de production.

#L'innovation

Combien de matériaux structurent une semelle de chaussures ? En partenariat avec Refashion, le CETIA, plateforme dédiée à la recyclabilité textile et cuir, a développé une technique de séparation des différentes composantes. Décortiquer permet ici de mieux valoriser.

 

L'objectif : faire de nos déchets de nouvelles ressources à l'impact environnemental réduit. Mais pour cela, les avancées en matière de technologies de recyclage et séparation des composants sont indispensables. A travers le financement de projets innovants de recyclage dans le cadre du Challenge Innovation, Refashion poursuit cet engagement. 

 

Challenge Innovation édition 2023, quels sont nos lauréats

Le Refashion Day s'est clôturé par la remise des prix du Challenge Innovation. Quatre projets de recyclage de niveaux de TRL (Technology Readiness Level) entre 1 et 4 ont été sélectionnés, parmi lesquels :

  • Le maillot infini présenté par NOLT

  • UPnyl-tex présenté par le CEA

  • Injectil présenté par Wecosta

  • PURe présenté par MFC 

Depuis 2010, ce sont plus de 5,6 millions d'euros qui ont été engagés pour cofinancer 60 projets d'optimisation du recyclage des textiles et chaussures usagés non-réutilisables dans le cadre du Challenge Innovation.

En savoir plus sur le Challenge Innovation 2023

Découvrir les lauréats

 

Soyons optimistes

Réconcilier, réactiver, réfléchir et aussi, bien sûr, réparer… Le nuage de mots en « Re », ébauché par les participants au Refashion Day 2023, gravite autour d’une notion centrale : le soin. Prendre soin des autres dans un souci de coopération. Prendre soin de notre environnement, prendre soin de nos métiers, de leur présent et de l’héritage que l’on va laisser. Prendre soin de nos rêves, aussi. « Toutes les initiatives, tous les efforts et toutes les expérimentations ont leur place », conclut Maud Hardy, directrice générale de Refashion« L’important est de travailler les uns avec les autres. Coopérer pour construire ce futur désirable et tangible est de notre responsabilité. »

 

Vous avez manqué cette journée ou vous souhaitez revoir les échanges qui vous ont intéressé ? L'ensemble des replays sont disponibles sur notre chaîne YouTube ! 

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Merci à l'ensemble de nos intervenants ainsi qu'à nos invités pour leurs contributions enrichissantes. 

Merci à nos partenaires, WE DEMAIN et (RE)SET pour leur collaboration et l'organisation de cette journée.