Pouvez-vous nous résumer votre démarche ?
La marque 1083 a été créée en 2013. Nous voulions relocaliser la fabrication du jean, l’un des produits les plus polluants de l’industrie de la mode. Notre marque vise ainsi à répondre à trois enjeux principaux :
- Relocaliser la fabrication en France ;
- Relocaliser la distribution dans les centres-villes ;
- Développer des filières et des produits à impact environnemental réduit.
Quelle a été votre méthode de travail ? Ses différentes étapes ?
La gamme Infinie est née de notre souhait de produire une première gamme de jean en considérant la fin de vie dès la phase de conception. Le jean classique est un produit complexe à recycler car il est composé de points durs et d’une multitude de matières : coton, élasthanne... L'idée étant de créer un jean qui puisse être effectivement recyclé, nous avons décidé que nos Jeans Infinis seraient mono-matière, 100% polyester.
Penser une telle gamme a nécessité trois ans de recherche et développement pour lancer une véritable révolution : un jean fabriqué à partir de matière recyclée, consigné ce qui permet d'avoir un contrôle sur le recyclage du produit. Nous avons procédé à de nombreux ajustements, notamment en matière d’éco-conception : repenser la coupe du jean, les poches, les points durs etc. Notre fil est fabriqué à partir de déchets plastiques collectés dans l’océan, par la société Antex, en Espagne.
Si nos compétences se sont beaucoup internalisées, ce travail a été hautement collaboratif : nos partenaires nous ont beaucoup aidés concernant la filature et le tissage de nos jeans. Nous travaillons notamment avec deux tisseurs historiques dans la Loire et dans les Vosges. Nos fournisseurs se sont mobilisés pour nous proposer les composants avec un impact environnemental réduit. Nous essayons autant que possible partager notre expérience avec d’autres marques car c’est ainsi que nous pourrons développer et renforcer la filière française du denim.
Nous avons lancé la gamme Infinie en 2016 avec un financement participatif sur la plateforme Ulule : nous avons eu 850 précommandes. La première opération a été un succès : nous avons vendu plus de 1 000 jeans. Nous avons réussi à réunir une communauté très forte autour de 1083 qui nous porte et nous encourage dans nos nouveaux projets.
Nous voulons suivre nos jeans jusqu’au bout : nous prenons donc en charge leur fin de vie, dans une logique de responsabilité du producteur : nous remboursons 20 euros de consigne à l’acheteur qui nous dépose son ou ses jeans et nous engageons à refaire un jean neuf à partir d’un jean usagé. C’est l’avantage du polyester : il n’y a pas ou peu d’altération de la fibre lors du recyclage.
Avez-vous rencontré des freins ? Lesquels ?
L’éco-conception dans le milieu de l’industrie de la mode est à la fois un challenge industriel, technique et esthétique. Les sujets du mono-matière, du sourcing de la matière, des points durs et des fonds de poches sont autant de problématiques qui demandent un travail conséquent en recherche et développement, en amont des projets.
La gamme Infinie était un projet ambitieux et exigeant dès le départ : il a fallu trouver les bons arguments auprès de nos partenaires et fournisseurs afin de présenter le projet comme réfléchi, rentable et pérenne.
Quels ont été les leviers de réussite ?
Notre communauté constitue le premier levier de réussite de la gamme Infinie : grâce à sa mobilisation, elle permet de porter des projets pionniers. Nous avons fédéré cette communauté grâce à la plateforme Ulule : elle est devenue ambassadrice de notre marque. Nous entretenons avec elle une communication directe, notamment via les réseaux sociaux, et en toute transparence : nous parlons de notre quotidien, nous sommes francs sur nos échecs. Nous avons un taux d’engagement très fort sur les réseaux sociaux, tout en consacrant peu de budget consacré à la communication (sponsor et publicité).
Nous avons également bénéficié d’un élan médiatique et d’un engouement de la clientèle pour nos jeans ce qui a conféré une bonne visibilité à notre marque.
Enfin, nous sommes une petite équipe , agile et flexible : cela nous permet de réagir et de travailler rapidement.
Réfléchissez-vous à des pistes d'amélioration ?
L’un de nos plus gros chantiers est le projet Moncoton : nous voulons créer, en France, un nouveau fil en coton à destination des textiles d’habillement à partir d’anciens vêtements, notamment des jeans et des sous-vêtements.
La gamme Infinie nous a permis d’affirmer notre volonté d’économie circulaire chez 1083. A terme, nous voudrions progressivement étendre cette démarche à tous nos produits, notamment grâce à Moncoton. Nous voulons repenser peu à peu toutes les étapes de la production du textile en France, afin de rapprocher la production et la consommation du vêtement.
La gamme Infinie a également vocation à s’étendre au-delà de notre marque : nous collaborons avec d’autres acteurs comme Hopaal sur un projet de blouse industrielle et avec le Slip Français sur le maillot de bain "Infini", recyclé et consigné pour être recyclable.
Enfin, notre dernier challenge concerne les chaussures que nous fabriquons. Nous travaillons avec divers acteurs afin de rendre notre gamme de chaussure la plus haute en potentiel de prise en charge pour le recyclage.
Merci à Sébastien ROCHIER, Responsable Pôle Marque chez 1083.