#Éco-conception#Textiles

Interview croisée : Idkids et Gémo sur la mode enfant

24 .06.2024

"Dans la mode enfant, nous faisons de l’éco-conception sans le savoir"

"Dans la mode enfant, nous faisons de l’éco-conception sans le savoir"

Pouvez-vous nous résumer votre démarche ?

Sophie Lefebvre - Responsable éco-conception et économie circulaire chez IDKIDS :  

Le sujet de l’impact environnemental est l’un des piliers de la démarche RSE du groupe. Comme beaucoup de marques, nous avons réalisé un bilan carbone qui a prouvé que nous avions un enjeu considérable sur les produits finis.  

L’éco-conception est donc un levier stratégique majeur de mise en œuvre de notre politique environnementale car elle vise à réduire l’empreinte environnementale de l’ensemble de nos produits tout au long de leur cycle de vie.  

Depuis la saison Hiver 23, nous avons entrepris d'accélérer notre démarche en calculant l’empreinte environnementale de tous nos produits TLC par étape de cycle de vie.  

En parallèle, Okaidi participe depuis 2015 aux travaux menés en France et en Europe, sur l’affichage environnemental et la durabilité physique, pour que nos référentiels s’adaptent aux futures réglementations sur l’industrie textile. 

https://www.okaidi.fr/eko-pour-un-monde-plus-responsable/okaidi-sengage-pour-l-environnement 

Aujourd’hui, nous tentons de structurer les nombreuses initiatives qui émergent de nos services pour rendre notre démarche RSE plus lisible et structurée. Nous avons donc décidé de formaliser nos engagements et objectifs jusqu’en 2025 au sein d’une Feuille de Route RSE globale, actuellement en cours de réécriture.

Virginie Bodineau - Directrice Technique et Qualité chez Gémo :  

La création de produits enfants intègre depuis de nombreuses années des éléments d’écoconception notamment pour raison de sécurité produit. Il est vrai que le textile est en mouvement sur ce sujet depuis plus longtemps contrairement à la chaussure qui est un produit plus complexe. Deux étapes sont primordiales pour bien avancer : 

  • Étape 1 : bien connaître ses matières, maîtriser sa nomenclature (matières, accessoires, etc) 
  • Étape 2 : chercher à réduire son impact en sélectionnant des matières plus vertueuses Nous possédons un outil développé en interne avec nos équipes IT qui nous permet de calculer l’impact de chaque produit et/ou de faire des simulations et donc de les comparer entre eux, ceci afin de faire le meilleur choix pour réduire notre impact environnemental. 

Nous réalisons des tests en laboratoires accrédités (nos produits sont testés en physique, et en chimie), nous incitons nos fournisseurs/fabricant à être « Oeko-Tex 100 », puis « Oeko-Tex Step » puis « Oeko-Tex Made in Green »). Nous sommes amenés à travailler directement avec des fabricants de matières afin d’assurer la traçabilité, la qualité et l’innocuité de nos produits.

Quelle a été votre méthode de travail ? Ses différentes étapes ?

Sophie (IDKIDS) :  

Le groupe a mis en place depuis de nombreuses années plusieurs actions autour de matières premières certifiées comme le coton biologique, le coton recyclé ou encore le polyester recyclé. 

L’étape suivante a été de mesurer notre impact environnemental réel et c’est pour cela que nous avons décidé de travailler avec La Belle Empreinte, organisme tiers indépendant pour le calcul d’impact et l’affichage de l’empreinte carbone. 

Il s’agit d’un gros projet qui a été mené en collaboration avec nos fournisseurs et nos équipes en local dans nos pays de production. 

Pour réaliser une analyse de cycle de vie, il est nécessaire de collecter de très nombreuses informations détaillées sur chaque produit. Nous avions déjà beaucoup de données disponibles, mais il nous manquait certaines informations plus poussées (ex : poids des produits et de chaque composant, origine des fibres, traçabilité de chaque tiers, etc.) que nous n’avions pas dans nos outils internes. Nous avons dû, pour ces données manquantes, interroger nos fournisseurs sur chaque produit. En parallèle, nous avons travaillé avec nos équipes IT pour intégrer les données manquantes dans nos outils de pilotage produit pour nos prochaines saisons. 

Finalement, nous avons réussi à couvrir l’analyse sur l’ensemble de nos produits depuis la saison Hiver 23, soit plus de 6000 produits TLC. L’analyse se porte sur l’ensemble des 16 critères environnementaux du PEFCR (exemples : empreinte carbone, consommation d’eau, eutrophisation des eaux, etc.). 

Dans l’attente du cadrage de l’affichage environnemental, nous avons choisi de rendre visible à nos clients l’empreinte carbone uniquement, qui est l’impact environnemental le plus connu à ce jour. 

Ce travail nous a permis de réaliser une analyse détaillée et un constat sur deux saisons afin de poursuivre et piloter notre démarche d’éco-conception autour de KPI (Key Performance Indicator) et d’actions concrètes à mettre en place sur tout le cycle de vie de nos produits. 

Virginie (Gémo) :  

Nous avons dans un premier temps réalisé un bilan carbone qui nous a permis de nous fixer un objectif de réduction de notre impact environnemental de 30% à horizon 2030.  

Pour cela, nous avons travaillé à identifier les types de matières que nous utilisions dans la fabrication de nos produits afin d’utiliser les matières les plus vertueuses (ayant l’impact le plus faible) ceci a été possible grâce à la réalisation d’ACV. Cela nous a permis de mieux connaître nos matières et de les mutualiser.  

Nous travaillons en parallèle à développer des matières et des produits plus durables notamment en répondant aux critères de l’éco-modulation durabilité et même au-delà. Nous avions en 2023 de nombreuses références répondant à ces critères de durabilité.  

 

 

Comment adressez-vous le sujet de la durabilité ? 

Virginie (Gémo) :  

Pour sécuriser nos produits et leur qualité, nous réalisons des tests chimiques et physiques dans des laboratoires accrédités. Nous les nominons afin de nous assurer de la qualité et durabilité des produits mis sur le marché.  

Tous les tests réalisés nous permettent d’améliorer nos matières et de mieux définir les caractéristiques techniques attendus. Il est à noter que le pays de provenance de ces derniers peuvent aussi avoir un fort impact sur le résultat des ACV comme l’Inde par exemple qui  est très carbonée par une utilisation importante de charbon.

Dans la mode enfant, nous faisons de l’éco-conception sans le savoir notamment à travers les règles de sécurité que nous devons appliquer à ces produits. 

Pour nous, l’écoconception, c’est : intégrer tous ces éléments sans oublier que nous devons dorénavant réfléchir à la fin de vie de nos produits et notamment aux éléments qui pourraient venir perturber le recyclage.

Sophie (IDKIDS) :  

Nous avons participé à l’étude Durhabi, dont l’ambition a été d’élaborer une méthodologie mutualisée d’évaluation de la durée de vie des produits qui intégrait pour la première fois l’usage, basée sur l’étude de la solidité et de la résistance des produits dans le temps mais aussi à l’usage réel des consommateurs. 

Depuis fin 2023, nous avons lancé aussi des tests afin de mesurer la durabilité de nos produits par rapport aux exigences de Refashion. Nous avons testé plus de 450 références. Cette base de données de résultats nous permet d’identifier les points de progrès à réaliser, tant sur les matières que sur l’assemblage de nos produits. Il est prévu de poursuivre les tests sur une plus grande échelle. 

 

 

Comment sensibilisez-vous, justement, les consommateurs à l’allongement de la durée de vie de vos produits ? 

Virginie (Gémo) :  

Nous travaillons depuis de nombreuses années avec la Cofreet (www.lavermonlinge.com/) à mieux maitriser nos codes d’entretien et nous avons très tôt incité nos clients à suivre les conseils d’entretien proposé par « Clevercare » (www.lavermonlinge.com/FR/cofreet/Clevercare.info.asp). 

Nous avons également mis à disposition des kits de réparation et de customisation à l’essai sur deux magasins afin d’inciter nos clients à réparer leurs vêtements.  

Enfin, nous réalisons et mettons à disposition de nos clients sur notre site des tutos vidéos sur la meilleure façon d’entretenir et réparer un produit.  

Sophie (IDKIDS) :  

En plus de l’incitation à consulter le site de la COFREET et du clever-care, nous avons mis en ligne sur le site Okaïdi.fr, des pages dédiées de conseils et tutos sur l’entretien et la réparation ainsi que l’upcycling de nos produits :

www.okaidi.fr/eko-pour-un-monde-plus-responsable/entretenir-et-reparer-vos-vetements

Nous participons également régulièrement à la campagne #RRRR de Refashion ! 

 

 

Avez-vous rencontré des freins ? Lesquels ? 

Sophie (IDKIDS) :  

Nos équipes sont sensibles à ce sujet, donc cela a beaucoup aidé à lancer le projet ! Elles sont conscientes que la mesure d’impact est essentielle pour avancer sur l’éco-conception. Notre Direction est également très impliquée et moteur dans la démarche. 

Au niveau opérationnel, il est certain que la charge de travail pour l’ensemble des acteurs de la chaîne de valeur produit sur ce sujet n’est pas négligeable, dans des métiers déjà fort chargés. Nous levons ces freins grâce au travail d’acculturation. Nous nous appuyons aussi sur des outils de mesure pour que les équipes prennent conscience de leur impact, par branche de métiers et s’approprient ainsi le sujet.  

Un autre frein à mon sens, est celui des bases de données. Il est nécessaire via les futures réglementations que nous ayons des bases de données d’impacts communes afin d’avoir tous les mêmes référentiels. Cela devrait être possible avec le futur affichage environnemental Français et Européen. 

C’est un sujet complexe, mais nous avons mis en place ces analyses de données en moins de 6 mois, c’est donc jouable et nous sommes fiers de notre avancée sur ce sujet. Je ne peux qu’encourager les entreprises à se former et entreprendre cette démarche passionnante. 

Virginie (Gémo) :  

Les stratégies ne fonctionnent que si les directions sont engagées. Chez Gémo, la stratégie « Gémo for Good » est appliquée sur toutes les marques Gémo. C’est ce qui permet d’avancer rapidement. La stratégie doit être au cœur du business, bien que la phase « d’infusion » soit importante au début 

D’un point vue opérationnel nous avons intégré chez Gémo depuis peu une directrice de la communication dans l’objectif de mieux partager ces sujets avec nos clients.  

D’un point vu humain, nous accompagnons nos fournisseurs et équipes. C’est une nouvelle façon de créer, travailler, produire et commercialiser nos produits. Nous sommes dans une période de « Change ». Pour les équipes, les modes opératoires, de création et de conception évoluent et nos fournisseurs s’adaptent jusqu’à être force de proposition eux-mêmes. 

 

 

Avez-vous développé des projets pilotes de modèles économiques alternatifs ? 

Sophie (IDKIDS) :  

Nous avons travaillé sur plusieurs leviers : 

  • La seconde main avec « IDTROC » sur le textile et les jouets. L’IDTROC existe depuis 2016 dans nos magasins Okaïdi et Oxybul et ce tout au long de l’année: www.okaidi.fr/idtroc-4?intid=lp-seconde-vie-idtroc. Nous avons également un site de seconde main pour Jacadi: “Jacadi second life”. 
  • La consigne, qui est une garantie de rachat instantanée de produits Okaïdi - Obaïbi , de moins de 2 ans. Ils sont ensuite revendus en seconde main via l'IDTROC en magasin. Testée dans 16 magasins, c'est un des leviers du programme EKO d'OkaÏdi pour faciliter la seconde vie des articles, dès l'achat du produit neuf. www.okaidi.fr/eko-pour-un-monde-plus-responsable/eko-pour-un-monde-plus-responsable/innover-pour-une-mode-raisonnee/la-consigne
  • La collecte de produits en fin de vie et leur recyclage en France. Les objectifs sont multiples :  
    • Éviter le gaspillage des textiles en fin de vie; 
    • Travailler avec des partenaires locaux et assurer leur traçabilité et la transformation des TLC en France; 
    • Innover et faire de nos déchets de nouveaux vêtements ou produits. 

Virginie (Gémo) :  

Nous avons étudié le ratio durée de vie / durée d’usage, les produits et cibles que cela concernait.  

Nous avons identifié la femme enceinte à laquelle nous proposons la location de vêtements et nous avons lancé les produits bébé par la suite. Toute la logistique est portée en interne, comme pour l’atelier Bocage en chaussure qui utilise toutes les compétences de notre usine « La manufacture » à Montjean sur Loire pour réparer et reconditionner nos chaussures (https://latelierbocage.fr/).

Qu’avez-vous pensé de ce témoignage ?

Si vous souhaitez nous donner plus de détails, cliquez ici.

Qu’est ce qu’Eco design ?

Eco design est une plateforme qui a pour objectif d’informer et d’accompagner les marques de textiles et chaussures à relever le défi de l’éco-conception. Cette plateforme est à l’initiative de Refashion (anciennement Eco TLC), l’éco-organisme agréé par les pouvoirs publics sur la filière des TLC (Textiles d’habillement, Linge de maison et Chaussures).

Notre vision : une industrie du textile et de la chaussure 100% circulaire.